Une cartographie montrant la répartition des réfugiés syriens révèle que ces hommes, femmes et enfants ayant fui la guerre en Syrie se trouvent à ce jour majoritairement dans des pays de la région Moyen-Orient Afrique du Nord (MENA) et non en Europe.

Collectées et partagées par le groupe Targa Consult, l’ensemble des données fournies nous donne une idée plus précise de leurs déplacements.

Des chiffres alarmants

Le premier chiffre que l’on retient de cette cartographie est le nombre de déplacés syriens. Ils sont ainsi estimés à 10,5 millions de personnes, selon l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR).

Sur un pays comptant 22 millions d’habitants, cela en fait près de la moitié. Ce chiffre effroyable comprend le nombre de personnes déplacées à l’intérieur de la Syrie - évitant pour la plupart les zones de conflits - et des personnes quittant le pays.

Plus une migration interne qu’une émigration

Contrairement à l’alarmisme soulevé par plusieurs médias et hommes politiques occidentaux, le déplacement de la population se fait plus à l’intérieur de la frontière syrienne qu’à l’extérieur. Ainsi, près de 6 millions de Syriens se sont déplacés à l’intérieur du pays, alors que 4,5 millions ont quitté le territoire syrien.

Inès est une jeune syrienne de 29 ans. Ayant obtenu son baccalauréat en Tunisie, elle quitte son pays d’adoption vers sa mère patrie la Syrie en 2009. Après s'être installée à Alep, elle a justement choisi de rester en Syrie, mais à Damas, où plus rien ne sera comme avant..

"Mes parents travaillaient à Tunis de 2006 à 2009. J’ai obtenu ma licence ici, puis nous avons décidé de repartir nous installer en Syrie. Après l’obtention de mon Master, j’ai ouvert avec mon mari un cabinet d’avocat à Alep. Six mois plus tard, nous étions obligés de quitter la ville précipitamment, les combats entre l’armée de Bachar (Al-Assad) et l’armée rebelle commençant à faire des dégâts", raconte Inès au HuffPost Tunisie.

Ces combats, mettant Alep à feu et à sang, ont obligé Inès et son mari à laisser derrière eux leur rêve et à essayer de trouver un point de chute: "J’ai songé à revenir en Tunisie. C’est un pays que je connais bien. Mais mon mari a préféré qu’on reste en Syrie. On est donc partis nous installer à Damas près de ma famille. Mais plus rien n’était pareil".

Retraçant les quotidiens moroses faits de mauvaises nouvelles, d’attaques, de bombardements et d’effusion de sang, elle ajoute: "A Damas, le temps semble s’être figé. Quand on voit les images d’Alep, de Homs, d’Ar-Raqâa, Damas a vraiment tenu le coup. Mais, pas une semaine ne se passe sans que l’un de notre famille ou l’un de nos proches ne meure: Soit à cause de la guerre, soit en tentant de quitter le pays. Peu de syriens souhaitent encore rester en Syrie. Pour ma génération cela peut encore passer, mais pas pour les plus jeunes. Pour eux, vivre à Damas sous Bachar ou sous les rebelles, ou même sous l’Etat Islamique c’est pareil. Et aller vers un autre pays arabe, est encore pire. Alors quitte à perdre sa dignité ou même à mourir, autant traverser la méditerranée afin que leurs enfants aient une vie décente".

Plus un déplacement Sud-Sud que Sud-Nord

L’arrivée en masse de réfugiés syriens en Europe porte à croire qu’en terme de chiffres l’immigration vers les pays européens est plus importante que l’immigration vers les pays voisins ou les pays de la région Moyen-Orient/Afrique du Nord (MENA). Il s’agit là aussi d’une fausse idée reçue.

En effet, toujours selon ces données consolidées par Targa Consult, il y aurait 2.169.000 syriens qui ont quitté la Syrie pour un pays de la région MENA, et 233.000 pour un pays européen. En d’autres termes l’immigration Sud-Sud est nettement plus importante que l’immigration Sud-Nord.

En se référant à la "ligne de brandt" incluant la Turquie dans les "pays du Nord", l’immigration Sud-Sud et Sud-Nord seraient dans les mêmes proportions. En effet, 1.939.000 syriens ont fui vers la Turquie.

Si l’on se réfère au nombre de réfugiés par habitants, le constat est encore plus frappant. Ainsi il y aurait 185.657 réfugiés syriens pour un million d’habitants au Liban, 78.656 réfugiés pour un million d’habitants en Jordanie, ou encore 6742 réfugiés pour un million d’habitants en Irak. Et encore, il s’agit là des voisins directs de la Syrie.

Si l’on s’éloigne plus vers les pays du Maghreb, il y a 833 réfugiés syriens pour un million d’habitants en Libye, 818 réfugiés pour un million d’habitants en Tunisie, 641 réfugiés pour un million d’habitants en Algérie et 182 réfugiés pour un million d’habitants au Maroc.

En comparaison, la Grande Bretagne compte 33 réfugiés syriens pour un million d’habitants et la France 152 réfugiés pour un million d’habitants. Seuls la Grèce, la Suède et l’Autriche comptent plus de 2000 réfugiés pour un million d’habitants, avec respectivement 8000, 4000 et 2118 réfugiés syriens pour un million d’habitants.

Des chiffres effroyables qui seront amenés à évoluer…

 

http://www.huffpostmaghreb.com le 7/9/2015