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Imaginer une population figée dans ses frontières n'est pas scientifiquement raisonnable, rappelle le professeur Raoult.

illustration lepoint.fr 08072014Photo d'illustration. © Miguel Medina / AFP

 

Toutes les populations biologiques se mélangent. Une grande erreur de Darwin, qui a favorisé l'explosion raciste du XIXe siècle, a été de déduire à partir de l'observation de populations isolées que leurs différences étaient dues à une meilleure adaptation, alors qu'elles étaient en fait dues à leur isolement. Ce qu'on appelle "allopatrie", à l'inverse de la "sympatrie" où les espèces vivent en communauté. Chez l'homme, c'est l'histoire et la géographie qui ont fait ou empêché la mixité des populations. Ainsi, le pourtour méditerranéen a toujours était métissé entre le Sud et le Nord. En revanche, les zones plus isolées, les îles, les régions d'accès difficiles ou éloignées des grands centres de passage ont des populations qui témoignent d'un isolement géographique.

À l'heure actuelle, l'augmentation des déplacements - plus d'un milliard de voyageurs en avion par an actuellement, - associée à l'augmentation considérable de la densité de la population - plus de six milliards d'humains -, accélère le mélange des humains, de façon irréversible. Les flux migratoires suivent les mouvements démographiques et dépendent de la jeunesse des populations. Les épisodes de colonisation par l'Europe ont résulté de poussées démographiques, de même que les immigrations actuelles vers l'Europe sont issues de poussées démographiques.

Face à une population vieillissante, l'Allemagne fait des appels pressants aux migrants des pays du Sud. Mais, pour certains pays d'Afrique du Nord notamment comme l'Algérie, le mouvement devrait se tarir du fait de la baisse très significative de la démographie. Bref, tout cela est purement mécanique. Les populations denses et jeunes émigrent chez les humains, comme chez les criquets, les poissons ou les rongeurs. Il n'y a pas de différence significative. Et imaginer une population figée dans ses frontières n'est pas scientifiquement raisonnable. Les seuls exemples de populations "pures" étaient déjà ceux observés par Darwin : les îles pour lesquelles l'accès est si difficile que les habitants n'ont pu se mélanger avec une population environnante. Mais dès qu'ils le peuvent, les humains, comme les fluides, se mélangent... mécaniquement.

 

Le Point.fr, le 07 Juillet 2014