Un tribunal administratif tunisien a jugé illégale la rétention de migrants par les autorités : une première. Début juin, 22 personnes placées en rétention avaient saisi la justice avec l’appui d’ONG pour dénoncer leur enfermement. Elles ont obtenu gain de cause grâce à une décision qui devrait faire jurisprudence.

Depuis des années, de nombreux rapports et observateurs dénonçaient le mécanisme tunisien de rétention de migrants comme illégaux. Pour la première fois en Tunisie, la justice administrative a été appelée à se pencher sur le sujet suite à la saisine en référé par un groupe de détenus au centre d’El Ouardia, en banlieue de Tunis, estimant leur détention « arbitraire ».

Le verdict prononcé le 15 juillet leur donne raison et ordonne la suspension de leur détention. Le motif invoqué est que leur privation de liberté est contraire au droit tunisien et aux engagements internationaux de la Tunisie, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention contre la torture. Les 22 migrants « doivent être immédiatement libérés en attendant que le tribunal administratif statue sur les recours en annulation des mesures de détention », se félicitent les associations de défense des droits qui ont soutenu la démarche.

L’énoncé rappelle également le principe fondamental de légalité qui doit encadrer toute restriction de liberté. La privation de liberté des 22 migrants ne respectait donc pas les conditions essentielles que sont l’existence d’une base légale et l’intervention d’une autorité juridictionnelle.

« Le tribunal a ainsi apporté une première réponse positive aux nombreux arguments soulevés par les avocats des détenus », précise le communiqué commun de Tunisie Terre d’Asile, Avocats sans frontière, l’Organisation mondiale contre la torture et le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux. Les requérants avaient pointé une détention « en dehors de toute procédure légale et de tout contrôle juridictionnel, sans accès à un avocat, sans notification écrite du fondement de leur placement en détention ».

Ces organisations appellent à la libération sans délai des 22 plaignants enfermés au centre d’El Ouardia. Le tribunal administratif va désormais statuer sur les recours en annulation des mesures de détention. Une procédure qui pourrait durer des années. Elle sera l’occasion pour le tribunal d’examiner en détail tous les arguments des avocats des requérants.

 

Par Rached Cherif, publié sur Le Courrier le l'Atlas le 16 juillet 2020.